A.I.A de Maison Blanche
Le centre d’apprentissage de l’A.I.A., comme cela a été relaté précédemment, a été créé en 1940 pour soustraire aux commissions d’armistice les jeunes gens d’Algérie aptes à être enrôlés dans les chantiers de jeunesse, ou formation similaire. Mais rapidement, ce centre, pour des raisons obscures, se réorganisa et se transforma en école de l’AIA.
Il nous a été difficile de retrouver des témoins de cette époque. Pourtant nous les avions près de nous. Ils nous ont, après un certain délai, communiqué des informations d’un grand intérêt qui se complètent et se confirment.
A.I.A de Maison Blanche
Gare routière de l'AIA
Les cars de l'AIA
RASCLE, professeur technique de tour a connu énormément d'élèves à Cap Matifou, il se souvient de quelques anecdotes.
Pour en venir à l'E.N.P.A., voici quelques souvenirs. Il y a beaucoup d'anecdotes à raconter. Faut-il s’en souvenir.
Par quoi commencer ?
Ma première prise de contact avec les élèves s'est produite le mardi 21 avril 1947. Là, a débuté ma vie d'enseignant. C’étaient des élèves de 3ème année, classe spéciale, qui, je crois, devaient avoir leur examen en juin. Ils étaient 6 : HUGLET, MORA, STéPHANOPOULOS peut-être MARANDAT et deux autres dont j’ai oublié les noms.
Dès 8 heures, techno : « Les filetages », puis séance d'atelier. C'était Mr. JOURDAIN qui avait ces élèves avant mon arrivée.
Au début, ce n'était pas simple. Nous n'avions pas beaucoup de métal de même diamètre. Nous étions obligés d'usiner des barres pour les amener à la côte voulue pour faire exécuter des exercices.
Les stocks arrivés de Rayak nous ont bien dépanné. Vous en gardez un bon souvenir pour avoir participé avec nous et ADAM, le manœuvre, au stockage dans le petit magasin au fond de l'atelier et à l'extérieur de l'atelier.
J'avais demandé à un élève de tronçonner dans une barre d'acier calibrée des petits rondins afin de réaliser des exercices. Ce dernier, au lieu de couper la barre à la scie mécanique en plusieurs longueurs avant le tronçonnage, l'a introduite dans la broche du tour, laissant dépasser la longueur voulue et le reste dépassant d'au moins 2 mètres de l'autre côté.
A la mise en route, la barre s'est tordue et a fouetté l'air en frappant le sol. Il a stoppé de suite. Heureusement, aucun élève n'est passé à ce moment derrière le tour. Il aurait pu être gravement blessé. Je me souviens ne pas l'avoir trop réprimandé. Il avait eu très peur.
J'étais également fautif n'ayant pas pris les mesures de sécurité voulues.
La sécurité : (première leçon de techno), était notre souci majeur. Nous avions des films sur la sécurité aux machines-outils. Nous les projetions dans la classe de technologie après avoir masqué les fenêtres avec des panneaux.
L'atelier central était pourvu d'une salle de projection.
A l'atelier d'ajustage, un élève qui perçait une pièce sans s'être mis un béret, s'était fait prendre une touffe de cheveux par la broche d'une perceuse à colonne.
Tous les élèves de la section machines-outils ont été conduits sur les lieux après avoir traversé toute l'école et ont défilé devant lui pour constater sa blessure (une tonsure).
Il était assis sur une chaise et avait l'air d'un malheureux.
Bien plus tard, à l'Atelier central, un autre accident s'est produit : un élève, SICARD, s'est fait couper la main sur une fraiseuse. De nos jours, on aurait pu la lui regreffer. J'ai eu le triste privilège de le conduire à la clinique de Belfort à Maison Carrée et là, il a été amputé. Il devait avoir une quinzaine d'années.
En chemin, il m'a fait une remarque. Il m'a dit : « J'ai de la chance, monsieur, je suis gaucher et c'est ma main droite qui est blessée ».
Je pense souvent à lui et à cet accident.
Un après-midi, alors que j'étais absent, un élève a nettoyé son tour à l'essence. C'était pratique mais rigoureusement interdit.
A la remise en marche, les vapeurs d'essence se sont enflammées. Cela aurait pu être grave. C'était un élève du groupe RICO, CHENAVIER, etc. Je l'ai appris le lendemain.
Sur ce même type de tour : Cazeneuve à boîte Cotal, il y avait un puissant frein électrique qui stoppait la marche brutalement. Certains malins, lançaient la machine puis stoppaient. Sous l'effet de l'inertie, le mandrin se dévissait et roulait dans l'atelier.
Il m'a été rapporté une plaisanterie qui aurait été faite à Mme. BONZON, professeur de français: un élève ayant trouvé un oisillon mort l'aurait pendu à l'intérieur d'une boîte sur laquelle il avait écrit : « La maison du pendu » et déposé cette dernière sur le bureau avant le cours. C'était le titre d'un film projeté en ville.
Une autre fois, c'est un élève qui a été la victime de plaisanteries :
Alors qu'il était au WC et comme l'intérieur était sale, il s'était perché au-dessus de la cuvette en se tenant par les mains sur les murets. Arrivent des élèves qui d'un commun accord décident, de l'extérieur, de lui pousser simultanément les mains vers l'intérieur, l'obligeant à mettre ses pieds dans ce que vous pensez. Je n'en connais pas la suite.
Alors que nous étions réunis: moniteurs, personnel d'entretien, élèves, avant la reprise à 13 h 30, Mr. LOUALI, moniteur de chaudronnerie a ramassé une couleuvre morte et s'est mis à la faire tournoyer puis l'a lâché en direction du buandier. Le serpent a terminé sa course sur le bonhomme qui s'est sauvé en criant.
Quelle rigolade ! Il avait une peur bleue des reptiles. Nous ne l'avons plus revu pendant un bout de temps.
Autre fait : j'ai assisté une fois à la fouille du car qui conduisait les élèves en permission le samedi soir. Quelques menus objets ont été récupérés, rien d'important. Je pense que ce n'était pas très élégant de la part des responsables. Sûr, il fallait être vigilant, mais enfin...
Fin juin, au moment des examens, pour certains élèves n'ayant pas d'atelier, nous les conduisions avec Mrs FRICKER et JOURDAIN à Alger Plage, se baigner.
Lors d'une de ces sorties, un jour de grand vent, un ballon a été poussé au large. A plusieurs, nous avons essayé de le rattraper. Impossible. Aussi, avant de risquer une noyade, j'ai fait faire demi-tour au groupe. Tant pis pour le ballon. Nous n'avions pas d'autorisation officielle de la direction. C'était une grande responsabilité.
Fernand SALORT, proche camarade de classe du certificat d’études de Gilbert BARRAUD : Comment a-t-il eu connaissance de cette école de l’A.I.A.? Il n’a pu nous le dire.
Après avoir brillamment réussi les épreuves du " réputé " certificat d’études en juin 1941, et après quelques semaines de farniente sur les plages de Fort de l’Eau ou à Verte Rive, Fernand rejoignait la nouvelle promotion.
Notre concours d’admission à l’école de l’A.I.A. s’est passé en juillet ou août 1941. Il rassemblait des jeunes d’Algérie, les cours étaient gratuits, et nous étions payés 3,12 Francs de l’heure, pour nous permettre d’acheter les livres et les cahiers.
Nous étions demi-pensionnaires, les repas de midi étaient pris à la cantine de l’AIA.
Je pense que les élèves qui habitaient au loin étaient hébergés par leurs familles à Alger.
La durée de la scolarité, d’après notre contrat proposé par l’administration et signé par le ministre de l’Air, était de trois ans.
Le niveau de l’examen était supérieur au certificat d’études. Certains candidats avaient le brevet élémentaire. J’étais un des plus jeunes. Cela s’est passé à l’AIA. de Maison Blanche. Nous étions environ 80 candidats, à moins qu’il y ait eu deux sessions, pour une admission de 35 à 40 élèves.
Les cours :
En 1ère année :
En 2ème année :
Le Personnel de cette école était le suivant :
Je suis resté à l’école de l’AIA de juillet 1941 à mai 1943, avec une interruption de 3 mois lors du débarquement des Alliés en 1942. L’école cessa ses activités en mai 1943 et je fus muté, comme tourneur, groupe V, à l’atelier A’ qui s’était installé à l’Institut Industriel de Maison Carrée. Elle reprit ses activités fin 1943 et permit à des jeunes ayant des notions de mécanique de suivre une formation aéronautique accélérée de 3 à 6 mois afin de fournir du personnel qualifié à l’AIA. Cette phase a dû prendre fin dès l’apport en personnel de l’E.N.P.A.
Notre camarade Fernand, à l’AIA. de Maison Blanche jusqu’en 1962, fut muté à l’ENSICA de Toulouse, termina chef du service édition, sous les ordres ( que le monde est petit ) de notre Ami Jean LONGHI. Actuellement il est à Montastruc. La Conseillère . Très occupé par toutes ses activités, il a bien voulu nous réserver quelques instants de son temps pour nous transmettre ces renseignements précieux.
°° Un grand merci Fernand °°
Nous avons aussi retrouvé, avec plaisir, grâce à une annonce gratuite passée dans une revue de troisième jeunesse, un des professeurs cités ci dessus : Mr. Camille DICHTEL.
Et selon la règle bien établie, reproduisons ses propos :
J’ai lu votre annonce dans le magasine « Pleine Vie » d’avril 1998. Je ne pense pas vous être utile mais je vous signale que j’ai été instructeur à l’école de l’A.I.A. de 1941 à 1942 avec le capitaine DUCHEMIN, directeur et FIOT en mécanique, en haut du hangar A’. Je ne me souviens plus des autres noms. Nous étions dans les baraquements derrière le hangar A’ près de la cave de la ferme Dupuy, jusqu’en novembre 1942……
J’ai 84 ans et demi ( avril 1998 ), et je suis à la retraite.
Près de chez moi, il y a le Général Jacques GUIMONET qui sort de Cap Matifou.