L'Aviation en Afrique du Nord (1850-1940).

(Extraits de "Mémoires ENPA")

 

Nos parents, grâce à la presse locale ou métropolitaine, suivaient avec passion l'évolution et les conséquences de cette aviation nouvelle dans de nombreux domaines; l'industrie, les transports, et malheureusement, les conflits internationaux.

Ils étaient nés en ce début de siècle qui était celui de l'aviation.

Bien que très jeunes, nous avons été témoins de leur enthousiasme pour tout ce qui touchait au domaine aérien. Nous les avons accompagnés dans les différentes manifestations: expositions, meetings, démonstrations. Nous étions déjà des témoins admiratifs et engagés. Qui se souvient des récréations mouvementées de CM1, CM2, quand il fallait choisir entre la traditionnelle marine, et la mythique aviation, symbole de modernité et d'avenir?

Il ne nous appartient pas de faire un historique de l'aviation en Algérie, ce n'est pas notre but, d'autant que certains l'ont déjà très bien fait par ailleurs. Mais nous voudrions, en quelques lignes, montrer que l'Afrique du Nord a largement contribué à sa remarquable évolution.

Plusieurs livres sur l'aviation en Algérie, de 1850 à 1940, relatent les différentes activités de cette époque aérienne et surtout l'étonnant engouement des populations pour tout ce qui s'y rapporte. C'est ainsi qu'il nous est révélé, dans les magnifiques livres édités par Pierre JARRIGE, quelques faits saillants illustrant cette histoire magnifique:



Louis Pierre Marie MOUILLARD, le précurseur, né à lyon en 1834 (http://calm.sopixi.fr/), vint à Baba Ali remplacer son père décédé, cultivateur dans la Mitidja. Il poursuivit ses études sur le vol des oiseaux commencé en 1851. En 1856 il construisit son premier appareil, mais une rupture d'une pièce de transmission fit échouer cette tentative.

Le 12 septembre 1862, à bord de son voilier, appareil n°3, monoplan portatif sans empennage ni gouvernes, d'une surface portante de 12m2, Louis MOUILLARD s'élance, se maintient en l'air 12 secondes, parcourt 42 mètres contre un vent de 5m/s:

C'est le premier vol plané humain. C'est le premier vol plané au monde. En Algérie!!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Clément ADER, toujours en Algérie, vint étudier les grands oiseaux voiliers pour concevoir l'engin qui permettra le premier vol humain motorisé.

Les retombées bénéficiaires de ses inventions dans le domaine du téléphone permettront à cet ingénieur des ponts et chaussées doublé d'un inventeur de génie, de se consacrer entiérement au vol humain.

(La création du mot « avion » revient à Clément Ader qui emploie dès 1875, ce mot signifiant appareil volant imitant un oiseau.)

Dés 1881, il s'interesse aux voiliers remarquables que sont les vautours dont Louis MOUILLARD parle si bien. C'est ainsi qu'en octobre 1882 il quitte Marseille à bord du Ville d'Oran vers Alger, pour rejoindre ensuite Philippeville net Constantine.

Grâce à un appareillage ingénieux il mesura la vitesse et le rayon de virage de ces grands oiseaux, en orbite. Il écrit dans son livre "L'aviation militaire", publié en 1908 le long récit pittoresque et technique de son voyage qu'il termine ainsi:

<<L'Algérie présente la particularité, importante pour l'avenir, d'avoir son territoire sillonné par de grandes voies aériennes, dans lesquelles les avions de guerre pourront voler facilement et économiquement, pour conserver à la France, si elle l'a encore, cette partie d'elle même.>>

 

 

Le CORBUSIER, célèbre architecte, retira de ses voyages aériens, au dessus des villes du Mzab, des enseignements qu'il mit en pratique pour ses constructions futures. Cette personne était, bien sûr, accompagnée par un des pilotes chevronnés de l'aéro-club d'Alger.

Citons:

Le 17 avril 1938, Louis DURAFOUR décolle de nouveau avec Le CORBUSIER pour survoler le Sud Algérien où l'avion permet au grand architecte de découvrir "le secret des villes du désert."

Ce fait est confirmé par le croquis, au crayon, d'une ville du Mzab par le maître, lui-même:

"La rue muette sans circulation....La vie est dedans, arcades bleues, végétations luxuriantes....".

Nous avons aussi appris que l'aviation civile en Afrique du Nord s'approvisionnait en Angleterre et que les nouveaux appareils, afin d'éviter l'Espagne en guerre, transitaient par St Etienne(Loire) pour se rendre à Alger, Oran et Constantine. Ansi le 4 août 1933, à la suite d'une panne de moteur, Henry GERMAIN et son épouse se posent dans un champ de la commune de La Fouillouse, proche de Saint Etienne, d'où ils avaient décollé en ramenant un Monospar, d'Angleterre. L'avion est détruit, les passagers sont indemnes.

De nombreux pilotes, héros des compétitions internationales, sont familiers des aéro-clubs nord africains qui rivalisent ainsi avec ceux de Métropole.

Ces activités, "secondaires", sont très appréciées du public. Il est précisé que des dizaines de miliers de spectateurs assistent aux différentes manifestations proposées. Le transport aérien est très présent, l'aviation militaire prépondérante.

De nombreux établissements, civils ou militaires, proches des grandes villes d'Afrique du Nord voient ainsi le jour pour assurer la maintenance ou l'utilisation de la flotte aérienne.

A Maison Blanche, autour de deux fameux hangars à dirigeables, de 1914-1918, au sud de la piste, le long de la route qui mène à Maison Carrée, se trouvaient les bâtiments d'Air France et Air Afrique.

L'Armée de l'Air avait décentralisé, bien avant 1939, ses écoles militaires spécialisées en en créant de nouvelles en Afrique du nord: Meknès, Marrakech, Blida, Maison Blanche. Cette dernière base abritait un groupe de reconnaissance (G.A.O), Potez 63 et Potez 540, aisi que de vieux Potez 25 et deux écoles dont une de pilotage.

Mais pourquoi ce regard sur ces années particulières? Est-ce que l'histoire de notre école est concernée? Certainement.

En 1939, en Afrique du Nord, l'activité aéronautique est considérable, elle a la faveur de la population, offre des débouchés économiques non négligeables, véritable aubaine pour un pays en plein développement. Mais......

La guerre de 1939 est là. L'aviation( amie ou ennemie) à un rôle prépondérant. C'est la débacle. Toutes les bases d'Afrique du Nord sont en effervescence, du fait de l'arrivée des formations de France qui n'acceptent ni la défaite ni la présence des commissions d'armistice germano-italiennes. Pour avoir vécu cette période, au moins par ouï-dire, chacun de nous se la remémorer.